Jeudi matin, 10h, Hélène circule sur l’autoroute A1. Elle a travaillé toute la nuit, ses yeux se ferment. Il lui reste une dizaine de kilomètres à parcourir avant de pouvoir enfin se coucher et dormir quelques heures. Son cœur ralenti, elle baille, elle se frotte les paupières. Elle décide de faire une pause à la station-service, le temps d’avaler un chocolat chaud. En buvant son gobelet, elle ère au milieu des livres et regarde les couvertures.
Soudain, elle est attirée par une odeur, un parfum qui allie parfaitement les senteurs poivrées et vanillées.
Cette fragrance la plonge immédiatement dans un souvenir très agréable, un souvenir charnel.Elle se demande si c’est lui, si c’est l’homme qu’elle a rencontré un soir de la semaine dernière. Il s’appelait Jean, il était grand, brun. Ses yeux en amandes verts étaient rieurs, son sourire envoûtant. Ce soir-là, leur rencontre était totalement fortuite, elle n’aurait pas dû prendre le métro, mais sa voiture était tombée en panne. Elle se retrouva assise à ses côtés, il lisait la Voix du Nord. Leurs mains se sont touchées. Tout de suite, ils ont eu cette petite décharge électrique qui les parcourut de la main jusqu’à la tête en passant par le ventre et les jambes. C’est alors qu’ils échangèrent un regard. Elle avait les pommettes rouges, sa respiration s’accéléra, sa bouche s’assécha. Elle eut des difficultés à déglutir. Lui, ne sut que lui rendre son sourire, aucun son ne voulut sortir de sa bouche. Elle griffonna vite fait son adresse sur un morceau de papier en spécifiant dit huit heures. PS j’aime le champagne. Elle quitta la rame de métro.
Une fois chez elle, elle prit une douche et se demandait s’il allait venir. Elle chantait sous l’eau, se surprit même à faire quelques pas de danse. Elle se sentait légère et ne cessait de rire seule. Elle s’est surprise elle-même à un tel comportement. Elle ne l’assumait que partiellement, elle ne savait que espérer. Tantôt elle souhaitait qu’il vienne, tantôt non. Puis la sonnette retentit. Il attendait sur le palier avec son jean brut, sa chemise blanche et sa bouteille de champagne. Un sourire pleine dents fendait son visage d’une oreille à l’autre. Ils dégustèrent ensemble la bouteille blanc de blanc de Ruinart, ils firent connaissance, partageaient des anecdotes. Puis de paroles en rire. De regards en sourire, ils se retrouvèrent allongés dans le canapé. Dans un peau à peau de plus en plus intense, ils s’embrassèrent à en perdre le souffle. Ils haletaient. Ils se caressaient, se pinçaient et se mordillaient. Leurs corps s’unirent au rythme de ce désir nouveau et si soudain. Quelques chansons plus tard, ils s’étendirent et reprirent leur souffle. Ils partagèrent une douche et il quitta l’appartement en ayant pris soin de donner son numéro de téléphone et son adresse sur le papier qu’elle lui avait tendu quelques heures auparavant.
Une fois qu’il eut quitté son appartement, Hélène se demandait si c’était une bonne idée de réitérer l’expérience. Elle se sentait bien et un peu honteuse de cette situation. Cela ne lui ressemblait pas. Le lendemain matin, elle brûla le sésame avec ses coordonnées. Un instant plus tard, elle regretta son geste, mais il était trop tard. Elle n’avait plus aucun souvenir des inscriptions qu’il avait écrit la veille.
Lorsque, dans ces allées de livres, dans cette station-service, elle sentit ce parfum envoûtant, elle espérait que ce soit cet homme. Cet homme avait qui elle avait partagé une expérience sensationnelle et imprévue. Elle se mit à respirer encore cet effluve. Elle n’osait rouvrir les yeux. Elle craignait que ce soit un autre homme. Elle craignait regretter encore d’avoir anéanti ce petit bout de papier. Elle souhaitait tant revoir Jean, son sourire, ses yeux.
Les deux mains posées sur un exemplaire de la fille de Brooklyn de Guillaume Musso, elle prit une profonde inspiration et ouvrit les yeux.
L’homme qu’elle vit avait de magnifiques cheveux blonds.