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Destinée

Lundi 18 avril 2016, 6h30, le réveil sonne. Mes yeux pleurent. C’est trop tôt, mais bon il faut y aller. Je descends de mon lit en prêtant attention de ne pas me lever trop brutalement, manquerait plus que mon cerveau ne soit pas irrigué ! Le réveil est difficile pour tous les organes de ce corps même mes orteils expriment leur inconfort.  Je me retourne et contemple mon homme qui savoure ces dernières heures de sommeil dans un ronflement étouffé tout en faisant un bruit de succion  avec ses lèvres, on dirait qu’il déguste son sommeil. Ce n’est pas juste ! C’est quoi le métier miracle où on ne travaille que cinq heures par jour et où on gagne au moins quatre milles euros net par mois ? Lentement et doucement je quitte la chambre et me dirige vers la cuisine, j’enfourne dans le four les viennoiseries pour le petit déjeuner des enfants. Aujourd’hui ce sont les douze ans de Liz ma petite puce qui grandit et mûrit chaque jour un peu plus. Elle a les même yeux que ma grand-mère Erna, morte il y a bien longtemps, quand j’avais  cinq ans. S’en est troublant. D’ailleurs en passant devant la fenêtre du jardin, je regarde les étoiles et envoies un salut quotidien à Mamie. Je suis sûre que depuis les étoiles, elle veille sur moi ! Les chattes Loquette et Toto me suivent inlassablement en manquant de me faire tomber toutes les trente secondes  jusqu’à ce que leur repas soit servi, ensuite elles retournent se trouver un endroit douillet où elles dormiront pendant au moins cinq heures. Des fois je m’imagine être un chat d’intérieur  juste pour pouvoir dormir autant que je le souhaite, de plus le repas tombe tout prêt dans la gamelle sans aucun effort de chasse. Oh oui, être un chat et se dorer la pilule sur la table de la salle à manger dehors au soleil. Il doit y avoir de bons côtés. Je me demande si au moment de mourir quelqu’un nous propose de nous réincarner. Cette personne aurait un petit livret avec les différents animaux et êtres humains à venir qui doivent se matérialiser sur la planète. Là on choisit, on nous lave le cerveau et on nous réexpédie dans un nouveau corps sans mode d’emploi. Avant que cela ne m’arrive, et le plus tard possible, tant qu’à faire … il faut d’abord que je me prépare pour ma journée de travail, un savant mélange de working-girl, d’infirmière de bloc opératoire et de technicienne en tous genre. J’enfile alors un jeans bleu brut, un top en soie blanche. Pour les cheveux, cela reste et restera  toujours désespérément  désespéré, ce n’est pas humain d’avoir des cheveux qui frise à la verticale ? Allez hop un foulard noué en bandeau fera l’affaire. L’uniforme ne fait pas tout. Une commerciale se doit d’avoir un visage avenant, toujours souriant et jamais fatigué, me voilà en train d’effectuer un ravalement de façade travaillé et ritualisé jusqu’à ce qu’une tête humaine apparaisse et le tout en moins de dix minutes bien sûr car le temps avance inexorablement… et chaque matin du lundi au vendredi, c’est la  même rengaine. C’est palpitant ou chiant au choix. D’abord j’applique le sérum anti-rides, puis la crème de jour sur le visage. Les yeux bénéficient d’un soin miracle qui retire instantanément les poches et les cernes. Enfin ça c’est ce qui écrit sur le pot !! Dans la réalité…. Je veux croire que ça fonctionne. La peau traitée, un maquillage frais et léger s’impose avec un rouge à lèvres rouge ça sera parfait. Le rituel du matin est terminé. Me voilà prête pour affronter deux adolescentes au réveil.

7 heures, je monte les escaliers, j’arrive dans les chambres où mes petits êtres de lumière dorment parfaitement. C’est criminel de les réveiller pour leur faire apprendre des théorèmes ou des verbes irréguliers… mais bon c’est la vie et la vie c’est ça ! Il y a encore deux ans  il suffisait de dire : « debout les chéries, le petit déjeuner est prêt ! » et elles se levaient à la vitesse de l’éclair. Mais là…. C’est une autre histoire, pour Liz, ça ira car c’est son anniversaire, elle sait qu’une surprise l’attend avant d’aller au collège, mais Swann, treize ans et demie, c’est une autre affaire !!!! J’entre dans sa chambre, elle s’engouffre dans ses draps. J’ouvre ses stores, elle grogne. Je l’approche pour l’embrasser, elle disparaît sous son oreiller. Puis comme par magie, l’odeur des pains au chocolat embaume toute la maison. Cette odeur traverse les murs, les draps et les oreillers. Un miracle se produit et cette adolescente d’un mètre soixante-cinq s’étire, tombe du lit, se lève et flotte dans les airs jusque dans la cuisine. J’ai juste envie de dire : « merci PICARD ! » Liz déballe son cadeau du matin de l’anniversaire car les autres seront offerts dimanche avec la famille, les grands parents, les cousins et les cousines. Elle arbore ce joli bracelet en argent avec des perles de toutes les couleurs surtout des bleus pour aller avec ses yeux myosotis. Quant à Swann, elle lit et relit les instructions du chocolat en poudre à dissoudre dans le lait chaud ou bien elle dort les yeux ouverts…Je me demande toujours ce qu’il se passe dans leur tête à ce moment-là. Est-il possible que le vide existe dans une tête. Qu’un cerveau puisse ne penser à rien. Il y aurait un bouton off ?? Mais où est mon bouton off ? Depuis que je suis réveillée, ma charge de travail s’amoncèle dans mon cerveau, quels sont les clients à contacter avant midi, les visites SAV à effectuer et les essais de matériel à démontrer, mais aujourd’hui, j’ai encore autre chose dans la tête, ce fameux rendez-vous de huit heures. Ce rendez-vous non professionnel. J’ai des petits papillons dans le ventre et mon cœur s’emballe car ça va être l’inconnu pendant une heure. J’ai hâte d’y être et en même temps je me demande si ce n’est pas une erreur. Mais bon après tout, je n’ai rien à perdre.

7h30, mes magnifiques adolescentes sont prêtes, l’une arbore un chignon coiffé-décoiffé ou juste décoiffé en y regardant bien. L’autre a tellement tiré ses cheveux en queue de cheval qu’on a l’impression qu’elle a les yeux bridés, au moins ça tient ! Jeans, T-shirt et Superstar aux pieds, elles sont armées pour partit au collège, alors en route !

7h50, arrivées au collège, un bisou-je t’aime et hop elles sont avec leurs copines à parler de je ne sais quoi. J’entre dans mon GPS l’adresse que j’avais reçue par SMS vendredi dernier. C’est rigolo car en tapant  l’adresse sur l’écran, j’ai les doigts qui picotent comme une petite décharge électrique. Pas huit heures et déjà une montée d’adrénaline.

8h, me voilà arrivée devant cette maison de quartier, les volets sont ouverts, la lumière dans la cuisine est allumée. J’espère qu’elle me proposera un café avant de commencer car je ne suis pas totalement réveillée. Je sonne. J’entends des pas dans le couloir. Mes papillons ont quittés mon ventre et se sont tous logés dans ma poitrine. La porte s’ouvre. Marie-Hélène ouvre. Je la rencontre pour la première fois, elle est habillée en noir. Ses cheveux sont blonds et roses. Ses yeux verts sont maquillés avec un peu de poudre dorée. Elle me sert la main. Sa peau est douce, sa poigne n’est pas trop ferme, enfin quelqu’un qui ne me brise pas les os de la main ! Je sens que la journée commence bien ! Finalement pas de café en vue, dommage. Elle m’annonce que la séance se passe à l’étage. Nous montons dans des escaliers tellement étroits que je ne m’imagine pas en train de les monter avec de l’alcool dans le sang. Ça doit être un véritable carnage. Trêve de plaisanteries. Nous entrons dans la chambre prévue à cet effet. Le soleil inonde la pièce. Un plancher en bois recouvre le sol. Des étagères aux murs sont couvertes d’objets mystiques en tous genres. J’ai cru y voir des dragons et  des fées.  Dans l’angle de la pièce, son bureau. Un pendule en argent et des jeux de cartes de divination étaient posés dessus. Elle m’invite à m’assoir face à elle. Une chatte blanche avec un œil bleu et un œil vert saute sur mes genoux. Elle restera avec moi durant toute la séance. Elle me demande mon prénom et mon nom de naissance. Je lui donne. D’emblée, elle me répond : « vous avez le bonjour de Mamie Erna ! » je précise que je ne connais Marie-Hélène ni d’Ève ni d’Adam ! Les papillons font de la haute voltige partout dans mon corps. Je ne peux empêcher une larme de couler. Les yeux écarquillés, je bafouille un « comment vous savez ? ». « Je communique avec les toutes les entités mortes et vivantes, vous ne saviez pas ? ». « Non, je pensais que vous lisiez l’avenir dans les cartes, tout simplement » … enfin, si on peut trouver cela simple. « Et que voulez-vous savoir ? Amour ? Travail ? Santé ? » Disons que j’ai très envie de changer de métier et de m’adonner à un hobby, un loisir de façon beaucoup plus intensive. J’ai réuni un conseil de famille pour avoir des avis et la grande majorité me propose d’abandonner et surtout de ne pas quitter mon travail tellement lucratif… Et tellement stressant… Et tellement chronophage… Et tellement pas moi… mais ça ils ne peuvent pas le comprendre, ils ne sont pas à ma place. Au fond de moi je ressens le besoin de lâcher prise. » « OK Kame, allez-y, tirez vingt cartes, puis six puis trois. » Dans un silence absolu, elle regarde les cartes, elle regarde à côté d’elle, Mamie peut-être ? Puis elle me dit : « Vous avez été en arrêt maladie dernièrement, je vous précise que dans l’année vous en aurez d’autres. C’est Mamie qui vous rend malade jusqu’à ce que vous compreniez. Apparemment vous souhaitez vous lancer dans l’écriture, un homme vous aide ainsi qu’une amie proche qui croît en vous. Vous y arriverez mais vous vous épanouirez et exploserez dans ce domaine le jour où vous quitterez votre travail actuel. » « Ah bon, c’est aussi simple ? » « Oui, mais il faut prendre la décision et vous réussirez, vous n’êtes pas seule ! Parallèlement votre chef et votre direction mettent en place des actions pour que votre travail soit plus facile à accomplir dans des temps normaux, ils veulent vous protéger, vous garder mais ça ne sera pas suffisant pour vous. » « Ah bon. » « Oui, croyez en vous, foncez de l’avant, vous y arriverez, vous serez plus riche en expérience, en rencontre humaine, en douceur de vivre, en temps pour vous et votre famille… »

9h, le rendez-vous se termine, nous avons parlé de l’avenir de mon mari, de mes enfants, de son don : Nous vivons tous ensemble les morts et les vivants sur des dimensions différentes mais qui s’entrecroisent. Certains morts servent de guides, d’autres sont mués de mauvaises intentions. Nous sommes matérialisés pour accomplir une mission sur cette planète puis nous repartons rejoindre les autres dimensions. Certains vivants, certains humains, les chats voient et entendent ces entités. Il y a un passé, un futur, une fatalité, un destin.

9h10, je monte dans ma voiture. Je ferme les portes. Seule, je réfléchis, j’emmagasine cette expérience. Les papillons sont partis. Je me dis que tout est possible, il suffit d’y croire. Je prends la route en direction de l’hôpital de Roubaix où un client m’attend pour 10h. J’enquille l’autoroute A1. Le Bluetooth de la voiture est activé, j’appelle mon amie Christine pour lui raconter cette drôle d’expérience. Je ne vois pas la voiture à ma droite me foncer dessus à pleine vitesse. Elle me percute. Je perds le contrôle. Je tape la rambarde de sécurité. La voiture est sur le toit. L’airbag s’est déclenché. J’entends la voix de Christine au loin qui me dit de m’accrocher. Mes yeux restent ouverts et je revois mes filles, mon mari comme des empreintes rétiniennes. Puis il fait noir. Je flotte. Une ouverture telle une porte de lumière se dessine devant moi. Je n’ai pas de douleur. Je me sens bien. Je ne suis pas triste, ni gaie. La plénitude. Je me dirige vers la lumière et j’y vois Mamie Erna. Elle se tient devant moi, bien droite. Elle a une robe à fleurs oranges et bleues. Ses cheveux bruns et frisés ornent son visage. Ses yeux bleus myosotis me semblent si familiers. Elle me sourit. Elle me touche le visage. Avec sa voix douce, elle me dit que ce n’est pas l’heure de la rejoindre, qu’effectivement elle veille sur moi et sur les miens. Que cet accident de voiture ne m’aura brisé que les jambes et que je guérirai sans problème. Elle m’embrasse sur le front. Elle me fait un clin d’œil. Il fait noir. J’ai mal partout. J’ai froid.

14h je me réveille dans une chambre de chirurgie à l’hôpital de Roubaix, quelques contusions sur les bras et le visage. Les deux jambes dans le plâtre. Merci Mamie !

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M
Ma talentueuse future romancière
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K
qui sait Ma Puche! qui sait ?!
M
tu as beaucoup d'imagination entre le vrai du faux j 'ai adoré des passages sur le rituel du matin trop bon continue c'est vraiment pas mal et la conclusion de fin exellente bravo tu as du mérite je t'aime
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K
merci maman, ton commentaire me fait très plaisir. je t'aime aussi. bisous
V
J adore j ai dévoré. ...la suite....<br /> Je te félicite ma cherie c est excellent....<br /> J y crois aussi. <br /> Je t aime fort
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K
merci; c'est très gentil. je t'aime aussi.
C
Vraiment sympa, c est court, mais efficace!
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K
merci !!<br /> pour l'instant je ne mets que des texts courts pour que vous ayez envie de revenir!<br /> un autre est en préparation.
S
j'ai engloutie, savouré et vécu tes mots ...ils m'ont fait oublié que je suis dans le TGV et qu'aucune de mes positions à cette place 72 n'est confortable ! <br /> Je me suis projetée totalement et mes yeux se sont remplis de larmes .... merci pour ce moment partagé... J'ai adoré !
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K
merci Sylvie pour ton commentaire. c'est très motivant. à bientôt dans le TGV ! ;-)