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un au-revoir

Elles sont là, derrière cette porte. Debout, collées l’une à l’autre, elles n’osent bouger de peur de les déranger. Elles se regardent. Intriguées, impressionnées. Tout le monde quitte la chambre. La porte se referme. Elles sont seules face à ce corps. Etait-ce réel ? Chacune s’approche d’Irène.  Zoé lui prend la main, cherche son pouls, Léa lui caresse le visage, cherche son pouls. Rien, sa perfusion a été retirée. Le drap a été tiré sur son corps. Ses mains et son visage en dépassent.

  • « Elle est morte ? »
  • « Je crois que oui. »
  • « C’est bizarre, non ? »
  • « Ce matin, je l’ai aidé à faire sa toilette. »
  • « Elle était bien ? »
  • « Oui, on avait discuté de tout, de rien, elle m’a donné des conseils pour mon avenir et… »
  • « Et quoi ?! »
  • « Bah, en fait, je n’avais pas prêté attention, mais elle m’a dit qu’aujourd’hui elle rejoindrait son mari. »
  • « Mais, il est mort ??! »
  • « Oui, il y a une dizaine d’année. »
  • « Que lui as-tu répondu ? »
  • « ça faisait flipper quand même ! Alors je lui ai dit de ne pas dire de bêtise. »
  • « Finalement, c’était pas tant des bêtises que ça ! »
  • « On fait quoi maintenant ? »

 

Chambre 132, la lumière rouge au-dessus de la porte s’allume, une infirmière est demandée. De l’autre côté de la porte, les alarmes des pompes automatiques, des moniteurs de surveillance sonnent en cacophonie. Zoé ouvre la porte, appuie sur tous les boutons pour arrêter ce vacarme. Il est là cet homme d’une quarantaine d’année à peine. Il ne va pas bien, les scopes l’avaient annoncé ! Elle appelle à l’aide, ses collègues infirmières et médecins arrivent à grands pas poussant des chariots de réanimation. Alors qu’un ventile, que l’autre  injecte des drogues, Zoé masse entre deux chocs électriques. Paul remue tout doucement. Reprend connaissance. Rouvre les yeux. Il fait une demande à voix très basse à Zoé.

Elle sort de la chambre pour aller dans le bureau des infirmiers, décroche le téléphone et compose un numéro en Suisse. La responsable du pensionnat fini par donner un accord de principe mais décide d’accompagner la jeune Elise, le lendemain, jusqu’à l’hôpital dunkerquois, Cinquième Est.

Elise a une dizaine d’année à peine, ses longs cheveux blonds reflètent les quelques rayons de soleil qui transpercent les fenêtres du cinquième est. Ses grands yeux bleus sont ornés d’une paire de lunettes noire, en cette journée de printemps, elle porte une robe fleurie. Une dame en tailleur sombre demeure à ses côtés. Elles se tiennent la main. Elles s’approchent de Zoé et échangent quelques paroles. Elise s’avance seule dans la chambre se son papa.

  • « Bonjour Papa, c’est moi, tu m’entends ? »
  • « Oui, mon cœur, je t’entends, je te demande pardon ma Libellule. »
  • « Je ne te comprends pas, Papa, pourquoi tu me demandes pardon ? »
  • « Je dois partir, je n’y arrive plus, je voulais te dire au-revoir. »
  • « Arrête Papa !!! Arrête, tu ne  peux pas me dire des choses pareilles, ne me laisse pas, s’il te plaît ! Ne me laisse pas, pas toi, pas toi aussi! »
  • « Ma libellule, je suis si fier de toi, Maman, l’aurait été aussi. Je te demande pardon de te laisser si tôt. J’aurai tellement aimé rester avec toi. Pardon. »
  • « Non Papa ! Non, j’ai besoin de toi. Reste !! S’il te plaît, s’il te plaît Papa. »
  • « Viens là mon cœur, monte sur le lit, viens me faire un câlin, fais-moi un bisou. »
  • « Papa, je t’aime, je te ferai un million de bisous pour que tu guérisses, pour que tu restes ! Je n’y arriverai jamais sans toi, comment veux-tu ?? »
  • « Je serai là. Ici dans ton cœur, dans ta tête. Je ne te quitterai jamais vraiment. Avec Maman nous veillerons sur toi. Elle est là tu sais, elle est dans la pièce avec nous. Elle me donne de son énergie pour que je puisse te dire au-revoir et pour te dire à quel point je t’aime, à quel point nous t’aimons mais mon heure est venue, mon corps me lâche, j’ai perdu le combat. Tu dois me laisser partir ma Libellule. »
  • « Non, Papa, non. Je ne veux pas, je t’en prie, reste, reste un peu s’il te plaît, Papa. »
  • « Ce n’est pas possible, souviens toi, cet hiver nous en avions parlé. Je t’avais dit que ce moment arriverait et qu’il faudrait que tu sois forte. Je sais à quel point c’est difficile, mais c’est aujourd’hui Elise. C’est maintenant ma Libellule. Tu dois me laisser y aller. Je t’aime tant. Je serai dans chacune des étoiles, dans chaque brin d’herbe, dans chaque papillon. Je viendrai te voir dans tes rêves.  Je serai dans chaque goutte de pluie, dans chaque rayon de soleil. Je ne t’abandonne pas. Je change de forme juste. Ne t’inquiète pas ça finira par aller. »
  • « C’est vrai Papa ? Tu seras toujours là ? Tu m’aideras toujours ? »
  • « Oui ma Libellule, pour toujours. »
  • « D’accord. »
  • « Oh mon cœur, je suis si fière de toi, au-revoir. Je t’aime. Allez, file. »
  • « Je t’aime, au-revoir Papa. »

Elise quitte la chambre, s’avance vers Zoé, s’engouffre dans sa blouse blanche.

Plus loin, derrière la porte, la cacophonie des alarmes.

 

La question que je me pose depuis ces expériences, deux parmi tant d'autres est:

Que ce passe t-il vraiment dans nos dernières vingt quatre heures? Savons nous?

 

 

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K
merci Florence, Apolline!<br /> et c'est tellement vrai en plus. c'est vraiment des expériences hors du commun!
Répondre
F
belle écriture et plein d'émotions c'est à la fois agréable à lire et enrichissant.
Répondre