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un jour à Montréal

Il est assis face au miroir. Comme chaque mercredi, il se rend chez Artist Hair, 53 rue d’Inkerman. D’ordinaire il se laisse coiffer selon l’instinct de Guillaume, mais aujourd’hui tout va changer pour Alex. Il décide de  se couper les cheveux très courts et de se faire raser la barbe. Ce matin, alors qu’il buvait son café, il a eu un déclic. Vous savez cette révélation qui vous frappe au moment où vous vous y attendez le moins. Il plaquera tout. Il tournera la page. Il a pris son sac à dos, un minimum d’affaire, sa carte bancaire, son passeport. Il a rendu les clés de son appartement.  Il  quitte Lille, direction Paris, Charles de Gaulle.  Il prend  le premier avion. En route pour Montréal.  Un nouveau départ pour une nouvelle vie.  C’est décidé, il  ira de l’avant, fini les idées les noires. Il veut laisser derrière lui ce séjour  dans cet hôpital spécialisé pour les gens déprimés. Il ne veut plus penser au jour où il hésitait entre des médicaments, une arme à feu ou sauter d’un pont. Il ne veut plus penser à la tristesse qu’il a ressenti lorsqu’elle n’est pas venue. Il veut oublier le regard de ses amis, de ses parents. Il veut oublier l’humiliation et la douleur ressentie lorsque face au maire, elle n’est jamais arrivée. Elle lui avait pourtant dit quelques minutes plus tôt, qu’elle arrivait .Qu’il pouvait l’attendre et la regarder arriver au bras de son père.  Il l’a attendue. Une minute. Un quart d’heure. Les murmures montaient de plus en plus. Il l’appela sur son portable, en vain. Il appela son père, en vain. Mortifié, il demanda à son frère de gérer l’assemblée et disparut à son tour.  Toute la semaine, il essaya de la joindre, chaque matin, chaque soir. Il ne mangeait plus, ne dormait plus. Elle l’avait quitté sans un mot, sans explication. Rien.

Son sac sur le dos, le regard droit, il trace en direction de l’auberge de jeunesse.  Julie l’accueille sans vraiment y prêter attention, le regard fuyant elle lui indique sa chambre et lui précise les horaires du petit déjeuner. Une fois installé, Alex part à la découverte de la ville, de détours en détours, il arrive dans la rue Sainte Catherine. Soudain une jeune femme le bouscule, elle parait bouleversée.  Le maquillage de ses yeux a coulé le long de ses joues. Alex, intrigué décide de la suivre.

Elle franchit la porte de Lolë, courut dans le fond du magasin et grimpa les escaliers quatre à quatre. Il avait ressenti une telle détresse lorsqu’elle l’avait touché qu’il ne put refreiner son envie de monter également. Elle était assise sur une caisse de vêtements, elle pleurait encore.  Alex, lui tendit un mouchoir et engagea la conversation.

  • « Bonjour, que vous arrive t-il ? Vos yeux bleus ne devraient pas subir ce supplice ! »
  • « Merci Alex….. »
  • « On se connaît ? Je ne comprends pas ? Euh …Vous êtes la femme de l’auberge ? »
  • « Pas que …J’étais là Alex, j’étais là, le jour où elle n’est pas venue. Quand, je t’ai vu arriver ce matin à l’auberge, je n’osais pas te regarder de peur que tu me reconnaisses. »
  • « Julie ? C’est ça ? Je me souviens avoir lu ton prénom à l’accueil, mais je ne me souviens pas du tout de toi, je ne comprends vraiment pas ! Explique-moi, s’il te plaît ! »
  • « Elle n’a pas eu le choix, elle voulait se marier avec toi, je te le jure, elle a eu le cœur brisé elle aussi, mais lorsqu’elle arrivait  à la mairie, un homme de son passé est arrivé, t’avait-elle parlé d’un certain Paul Levato ? »
  • « Oui, elle était à la fac avec lui, ils ont fait un bout de parcours ensemble. Ils s’étaient perdus de vue depuis deux, trois ans non ? »
  • « Oui, elle n’avait plus de nouvelles de sa part, par contre, lui n’avait qu’elle en tête et il n’a pas supporté l’idée de votre mariage. Il l’a forcée à le suivre.
  • « Comment ça ? »
  • « D’abord il l’a frappée, puis il la menacée de mort elle et tous ceux qu’elle aime si elle se mariait avec toi. »
  • « C’est un peu gros ce que tu me racontes ! Ce n’est juste pas possible !! En pleine rue devant la mairie, elle se fait enlevée le jour de son mariage, et personne n’a rien vu ??? Où est-elle ??Où est son père ? Que fais-tu ici et surtout qui es-tu ?!! »
  • « Je te comprends, tu te demandes si tu hallucines, mais les réponses ne sont pas si simples ! »
  • « Vas-y  j’ai tout mon temps ! Je veux comprendre.  Où est-elle ? Comment va-t-elle ? »
  • « Elle est en vie, mais ravagée, tu n’imagines pas ce qui s’est passé. Comment savais-tu qu’elle était à Montréal ? »
  • « Je ne le savais pas, c’est un pur hasard. »
  • « Elle est ici,  à quelques rues, mais comme je te l’ai déjà dit, c’est compliqué, elle a beaucoup souffert physiquement et moralement. »
  • « Que lui a-t-il fait ? Et toi, pourquoi ne l’as-tu pas aidée ? »
  • « Tu ne sais rien !! Tes propos sont injustes ! »
  • « Mets-toi à ma place !! Je me retrouve seul comme un con devant le maire le jour de mon mariage, celle que j’aime est portée disparue, j’ai été interné pendant deux semaines, je plaque tout, je prends un avion au hasard et je me retrouve dans la même ville qu’elle avec une inconnue qui me raconte qu’elle est détenue par un psychopathe qui la torture et tu ne fais rien !! Alors ; excuse-moi si je suis désagréable et énervé ! Faut pas abuser ! Maintenant, tu arrêtes les mystères et tu accouches parce que je suis au bord de la crise de nerf !!! »
  • « OK, mais changeons d’endroit, entre les boîtes à chaussures et les sacs à mains, ce n’est pas idéal, il y a un café à deux pas, allons-y ! »

Ils allèrent au  Cock’n Bull Pub, un groupe de rock chantait une ballade. Ils s’assirent à l’écart de la foule, commandèrent deux bières locales et reprirent leur conversation.

  • « Alors ? »
  • « Accroche-toi surtout ! C’est un véritable psychopathe, il la tient par un chantage morbide et par des psychotropes à hautes doses. Il ne sait pas que je la connais, je fais également le ménage dans les parties communes de l’appartement où ils sont. De ce fait je les observe. J’ai  bien essayé de la sortir de là, j’ai même appelé la police. Quand ils sont venus pour l’interroger, elle leur a répondu qu’elle était là de son plein gré pour quelques mois avec son petit ami, que tout allait bien en somme. De ce fait, on a rien pu faire de plus. »
  • « C’est affolant, allons-y, je vais la récupérer ! Je n’en ai rien à foutre de l’autre ! »
  • « Ne fais pas ça, il est armé, il sait qui tu es !  Nous sommes coincés pour le moment. »
  • « Je t’en prie, amène moi jusqu’à elle ! »
  • « Ok, allons-y, mais ne fais pas de bêtise, s’il te plaît ! »             

Ils quittèrent la rue sainte Catherine et s’engagèrent dans la rue du fort puis s’arrêtèrent dans un immeuble de la rue Tupper. Ils grimpèrent les trois étages qui les séparaient de Léanne. Julie lui indiqua la porte verte de l’appartement dans lequel celle qu’il aimait était séquestrée. Il frappa à la porte. Pas de bruit. Il frappa plus fort. Des bruits de pas feutrés se firent entendre. Ils s ‘arrêtèrent. Léanne regardait par l’œilleton de la porte, elle vit Julie. Elle la reconnut et ouvrit la porte. Alex put la voir enfin. Cela faisait un mois qu’il espérait. Enfin il reverrait cette jeune femme blonde charmeuse au  regard pétillant. Il avait tellement hâte de la prendre dans ses bras, de l’embrasser. De s’engouffrer dans ses cheveux, de sentir son parfum vanillé. Il voulait la porter, la dorloter et partir loin de cette cage d’escaliers. Quand il la vit, il fut impressionné. Il recula d’un pas. Qui était cette femme. On aurait dit un fantôme de Léanne. Un ersatz. Amaigrie. Ses yeux bleus étaient vides et cernés. Ses cheveux fillasse et gras pendaient le long de son visage blafard. Ses bras étaient recouverts de traces de piqures et de scarification. Une cicatrice sur la lèvre supérieure. Alex eut des difficultés à la reconnaître. Elle parût savoir qui il était sans vraiment imprimer ce qu’il se passait. Elle aurait dû lui sauter dans les bras, être soulagée. Non. Un sifflement retentit, elle fit demi-tour à l’intérieur d’un pas las et automatique. Julie et Alex entrèrent à leur tour. Ils s’aventurèrent dans la cuisine. Il était là, assis face à la fenêtre, buvant doucement un café que Léanne venait de lui servir. Alex accéléra le pas pour sauter à la gorge de cet homme, le père de Léanne. Il voulait l’étrangler, le frapper, le tuer. Il n’en eut pas le temps. Julie le poignarda dans le dos à de multiples reprises. Il regarda Léanne, prononça un dernier « je t’aime » avant de s’effondrer dans une marre de sang. De son sang. Il la regardait, sa vue se troublait, il continuait de la fixer. Ses yeux se fermèrent dans un flot de larmes. Léanne ne bougea que pour aller chercher de quoi nettoyer le sol. Les deux autres prirent le corps et l’emballèrent avec les moyens du bord. Plus tard, dans la nuit, ils iront le long du saint Laurent pour y jeter le corps.

  • « Comment as-tu fais ma jolie pour le faire venir jusqu’ici ? »
  • « C’était super simple, figure toi que j’ai une amie infirmière qui travaillait dans l’hôpital psychiatrique où il était interné. Chaque jour et ce, plusieurs fois, elle lui émettait l’idée de faire un break de quelques temps, dans un autre pays, le canada, Montréal. Il pensait avoir pris la décision seul, en réalité tout était tracé.  Ensuite, lorsqu’il voyageait, il a toujours été dans des auberges de jeunesse. Je n’avais plus qu’à l’attendre.
  • « Tu es très maligne, ma fille ! Nous voilà vengés. »
  • « Oh que oui ! Elle aurait dû m’invité à son mariage !! Non, mais pour qui se prend-elle ?!  Et maintenant, plus personne ne sera jamais plus là pour sa défense. Maman morte, qui repose dans la Deûle, Alex mort, qui prend le frais dans le Saint Laurent, c’en est presque comique !!! »
  • « Elle a fini de manger son pain blanc la petite princesse ! »
  • « Fini d’être celle qu’on regarde, qu’on aime et qui réussit ! Place à la cendrillon des temps modernes ! »
  • « Ah ah ah ! »

Ils levèrent leurs verres et trinquèrent à leur vengeance.

 

 

 

 

Pour Carole, Quentin  et ce vin partagé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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