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une semaine sur deux, la moitié des vacances

Entre l’église et l’école maternelle, il attend dans sa voiture. Il est seul. Il guette la sortie des élèves, mais en attend deux en particulier. Cela fait huit jours qu’il ne les a pas vu. Huit jours.  Mais qu’est-ce que huit jours ? Huit matins avec les petits déjeuners, huit soirs où les petites têtes blondes lui racontent leur journée palpitante avec des histoires inventées de faits réels. Huit soirs où il les retrouve dans leur chambre pour les câliner, les embrasser, jouer. Ces huit soirs où il erre seul dans son appartement à cinq kilomètres d’eux. Aujourd’hui, il attend devant l’école Fabre d’Eglantine, son fils, sept ans, son sac sur le dos, est sur le trottoir, il shoote un caillou en attendant sa petite sœur. La voici, elle discute de façon très animée avec sa maitresse.  Elle allait rejoindre son frère, lorsqu’elle se sentit observée, Elle se retourne, Reconnaît d’abord l’auto, puis cet homme derrière le volant. Sans préavis, elle lâche la main de son institutrice et court le plus vite possible en direction de son père. Huit jours qu’elle ne l’avait pas vu.

Il sort de la voiture, la serre dans ses bras, l’embrasse, lui caresse les cheveux. Il est à genoux pour mieux la voir. Lui touche le visage, il repositionne ses boucles blondes à l’arrière de ses oreilles. Il passe ses pouces sur ses lèvres et les dirige lentement jusqu’à ses lobes. Il aimait tant lui faire ce petit rituel.  Il lui sourit. Ses yeux brillent. L’étreint une nouvelle fois respire le parfum de ses cheveux et la relâche. Son fils se tient  à deux, trois mètres, il attend son tour. Il n’ose pas l’approcher. Puis son père le saisi. Lui frotte le sommet de sa tête en lui faisant remarquer à quel point il avait grandi. Il lui dépose un baiser sur le front. Louis reprend un peu de distance, non pas qu’il ne soit pas heureux de voir son père, bien au contraire mais il a peur. Il craint qu’un évènement ne se produise. Il ne devrait pas être ici, c’est trop tôt. Il sait, huit jours, c’est trop tôt. Sa petite sœur Emma saute de joie et prépare le programme des prochains jours : « nous irons au parc zoologique et au cinéma ! » Plus loin, la maîtresse observe la situation. Elle aussi sait. Il ne devrait pas être présent. Elle n’ose pas réagir à cause de la petite.

Louis observe tout autour de lui, il n’y avait plus d’enfant. Tous étaient rentrés. Il demeurait néanmoins une voiture noire. Les vitres sont teintées. Il perçoit deux hommes à l’avant. Il les connait, c’est des amis de sa mère.

Liam aussi remarque cette voiture. Lisa, la maîtresse s’approche des enfants et de leur père. Le temps de traverser la rue qui la sépare de cet homme, elle n’ose pas le regarder. Elle n’a pas envie de cette confrontation. Elle est obligée.

Les deux hommes sortent de l’automobile. Les deux portières claquent en chœur. L’un tousse. L’autre crache bruyamment. Les deux relèvent leurs manches. Ils accélèrent le pas.

Emma danse autour de son père. Louis recule et se cache derrière lui. La maîtresse est à côté d’eux. Liam ne bouge plus. Les yeux humides, il fixe la jeune femme devant lui. Elle lui fait part que huit jours, c’est trop tôt. Elle lui rappelle qu’il doit encore patienter. Son cœur est serré, sa gorge nouée, elle lui somme de tenir le coup et de lui rendre les enfants avant qu’il ne soit trop tard. Louis attrape sa petite sœur par la main et part en courant derrière l’église, leur maison est à une centaine de mètre à peine. Liam essaie de les retenir mais une poigne ferme lui agrippe le bras. Liam est plaqué sur sa voiture, maintenu, immobilisé. Il regarde ses enfants s’éloigner jusqu’à ce qu’ils s’engouffrent dans leur maison. Ils sont rentrés dans ce foyer. Autrefois son foyer. Il baisse les yeux. Les  ferme. Des larmes s’écoulent. Un des deux gars approche son visage de celui de Liam, si près qu’il en ressent la chaleur qui s’en échappe. Il articule lentement ses quelques paroles : « un week-end sur deux  et la moitié des vacances, point barre ! »Et pour être sûr que Liam ait bien compris le message, il lui colle un coup dans le ventre. Liam, genoux au sol, les mains sur l’estomac pleure.  Il n’avait rien demandé. Sa femme l’a quitté  pour un autre. Comme ça, elle ne l’aimait plus. Un juge, un spécialiste en affaire familiale, a tranché : on ne sépare pas les enfants de leur mère.

Et leur père ?

Accroupie à ses côtés, Lisa le console. Des paroles vaines. Sa douleur est bien trop grande. Comment tenir huit jours encore?

Les deux hommes montent dans leur véhicule, téléphonent à la mère des petits pour établir leur rapport :

Les enfants sont bien rentrés. R.A.S.

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